Imre Kerstesz: Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, chez Actes Sud
"« On ne peut pas guérir d’Auschwitz »
Comment parler d’une telle œuvre ? D’une force incroyable, ce texte laisse sans voix.
Alors pour en parodier un autre, je pourrais dire que la noirceur indélébile qui suit la lecture de Kertesz est aussi de Kertesz. C’est peut-être ce qu’il y’aurait de plus juste à écrire là-dessus.
De ce texte, d’un abord ardu (longues phrases, pas de pause), ressort une impression d’étouffement, d’hallucination. On a l’impression d’entendre un vieil homme qui nous raconte sa vie, un épisode de sa vie, en une nuit, sans pause, sans trêve, comme s’il fallait tout dire avant de disparaître, avant que la mort n’achève ce que les nazis n’avaient pas obtenu : sa disparition. Dans ce monologue un peu fou, parcouru de leitmotivs sinistres, c’est la voix d’un homme brisé, qui ne « guérit pas d’Auschwitz », et que nul ne peut comprendre réellement, au plus profond de son être. Même sa femme, qui s’efforce, qui l’aime et qui s’obstine, devra abandonner. Il ne veut pas d’enfant, pas cet enfant, pour lui, un enfant après Auschwitz n’est pas possible. Un texte très dur, car c’est celui d’un homme qui est allé au bout de la solitude, et qui demeurera jusqu’à son ultime souffle. Primo Levi disait peu ou prou que tous les déportés étaient déjà morts. Que le temps vécu après Auschwitz n’était qu’un sursis illusoire, mais jamais de la vie. Ce texte en est la plus vibrante, la plus sinistre, la plus désespérée illustration."