Les lendemains qui déchantent
Il y a eu Soljenitsyne. Et puis il y a Chalamov. L’autre géant, l’autre témoin de la barbarie humaine, qui a survécu aux camps de concentration soviétiques. Et son livre, énorme pavé compilant de nombreuses nouvelles, est là pour témoigner de ce que fut sa vie à la Kolyma, cette vaste région extrême-orientale de la Russie. Ce livre est là, et il prouve à ceux qui en douteraient encore ou auraient besoin de s’en persuader (et aux autres), l’essence criminelle du régime soviétique et de toutes ces belles idées communistes.
De nombreux thèmes se croisent et s’entrecroisent, certains revenant tels des leitmotivs : le gisement d’or, l’hôpital, les truands, etc. Il y a quelques scènes très fortes, rendues insoutenables par leur vérité même, et la routine du camp, où la mort peut être au rendez-vous à tout instant, où la brutalité de tous se déverse sur les pauvres « crevards », où les travaux physiques inhumains, la malnutrition et les maladies transforment le détenu en zombie, réduit à des envies simples et basiques : chaleur, nourriture. Et il y a aussi tout l’infâme commerce humain, celui des truands qui rançonnent les autres détenus, celui des chefs en tout genre, de la bassesse et la bêtise, du meurtre. Et surtout une vaste réflexion sur le monde, qui a rendu possible une telle abomination, et peut la regarder sans rougir, la trouver normale.
Une pierre indispensable au monument-témoin des crimes des Hommes. Une horreur. Un chef-d’œuvre.
Récits de la Kolyma, Varlam Chalamov, éditions Verdier