"Je me souviens"
"Antonine Maillet a connu en France, dans les années 1970-1980, un grand succès populaire (ce roman avait même obtenu le prix Goncourt). Depuis, on l’a un peu oublié, et c’est regrettable, car la dame a le souffle épique pour dire l’histoire des petites gens.
Née en 1929 à Bouctouche au Nouveau-Brunswick, Antonine Maillet est une Acadienne, de ces gens de rien qui durent, en 1755, quitter leur petit bout de terre, expulsés par le gouverneur Lawrence pour n’avoir pas prêté le serment d’allégeance à l’Angleterre. Ils sont déportés par familles entières, dans ce qui est nommé, par un euphémisme charmant, "Le Grand Dérangement", et installés tout au long de la Nouvelle-Angleterre ou aux Antilles.
Quinze ans passent. Quinze longues années passées en Géorgie pour Pélagie LeBlanc, qui économise afin de s’acheter une charrette et quelques bœufs. Et elle quitte ce pays, qui ne tarde pas à devenir les Etats-Unis. Elle part, avec sa famille, recueillant au fur et à mesure des familles dispersées, qui poursuivent avec elle et sous sa direction la traversée de la moitié d’un continent. Le voyage dure plus de dix ans, pris dans les remous de l’histoire et dans une guerre qui n’est pas la leur, la guerre d’Indépendance. Nombre de personnages truculents vivent dans ces charrettes : Catoune, une jeune sauvageonne ; Bélonie, un vieux conteur presque centenaire ; Célina, guérisseuse au pied-bot ; le capitaine Beausoleil, qui suit la route des charrettes depuis son navire, etc.
Dans une langue très orale, remplie de tournures anciennes ou locales, Antonine Maillet nous conte l’histoire de son peuple, un pauvre peuple de sans grades, en lambeaux après la déportation par les anglais, un peuple qui se reconstitue peu à peu, et qui, obstinément, remonte vers le nord, vers l’Acadie originelle.
Pélagie-la-Charrette est un roman d’une très grande richesse, et surtout, c’est le roman d’une mère-courage, et surtout, surtout, de la fidélité."